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CHRONIQUES SUR LE FIL DU TEMPS

Si notre siècle de prédilection est le XIXème,  ça n’est point par fascination pour la grande industrie naissante, l’introduction de la vitesse dans les moyens de locomotion et la diffusion massive annoncée de marchandises au travers de l’ébauche d’unification du monde (de la colonisation comme ébauche de création du marché mondialisé).
Mais si la fascination se conjugue avec la nausée et stimule la nostalgie, ce siècle est bien celui qui cristallise nos réflexions (et nos révoltes). Il est le siècle qui annonce la fin d’un monde, et sous couvert de l’assomption de la civilisation, claironne la déliquescence de chacune d’elles. Siècle de l’uniformité en devenir, il annonce la fin de la diversité.
Ce processus, nous le voulons évoquer, au travers de l’écrit, de la littérature, de l’histoire, et de toutes les occurrences de la pensée et de la culture. Ceux qui s’en réclament et qui affirment en être les promoteurs ou les créateurs, sont les intellectuels dont la naissance est datée de l’Affaire Dreyfus qui vit naître les premières pétitions. De ceux-ci, et de celles-ci, Ferdinand Brunetière, directeur de la Revue des deux mondes, écrit éloquemment :
« Et cette pétition que l’on fait circuler parmi les Intellectuels, le seul fait que l’on ait récemment crié le mot d’Intellectuels pour désigner comme une sorte de caste nobiliaire, les gens qui vivent dans les laboratoires et les bibliothèques, ce fait seul, dénonce un des travers les plus ridicules de notre époque, je veux dire la prétention de hausser les écrivains, les savants, les professeurs, les philologues, au rang des surhommes. Les aptitudes intellectuelles, que certes je ne méprise pas, n’ont qu’une valeur relative. Pour moi, dans l’ordre social, j’estime beaucoup plus haut la trempe de la volonté, la force du caractère, la sûreté du jugement, l’expérience pratique. Ainsi, je n’hésite pas à placer tel agriculteur ou tel négociant, que je connais, fort au dessus de tel érudit ou de tel biologiste ou de tel mathématicien qu’il ne me plaît pas de nommer ».

Cet essai de contribution à la compréhension des changements de paradigmes, nous nous proposons de l’aborder dans quatre directions.

La médecine car ce siècle des certitudes devenant prétention à la vérité absolue voit surgir la médecine « scientifique ». Loin de nous l’idée de dénigrer cette science médicale qui se décrit elle-même aujourd’hui comme E (vidence) B(ased) M(edecine) mais nous voudrions souligner le rôle majeur que son développement a représenté dans la formation du concept de vérité scientifiquement fondée et l’usage terrorisant et stérilisant auxquels d’aucuns se sont livrés. La naissance de la psychiatrie se libérant, pour le meilleur et pour le pire, de l’aliénisme, et l’irruption de la psychanalyse, nous semblent en témoigner. Ces disciplines expriment (ou ont exprimé) le triomphe de la modernité et de l’individualisme (le soi-memisme conquérant, le je-essentiel) systématique.

Le voyage devenant accessible par la vitesse acquise des nouveaux moyens de circulation et le développement annoncé légitimé et revendiqué du loisir pour tous est devenu le tourisme (de masse), liquidant le regard et la contemplation, donc le silence, le retrait et la réserve, au profit de la consommation des sites échappant à la continuité historique au profit d’un présent perpétuel. De cette modification du regard, de Volney aux guides Michelin ou du routard (du chemin à la route en somme) le XIXème est le témoin.
« Mais bientôt la blessure se réveille. Et ce sont alors des inscriptions sur des tombes, ces villes inaccessibles sur les collines qui rappellent que la plénitude entrevue n’est qu’une illusion à jamais ». (Yves Bonnefoy)

Le journalisme, ou l’étude du journalisme, de son enfance et de sa croissance dont le 19ème nous semble être le siècle, nous paraît être un outil anthropologique d’approche des plus significatifs. Le temps de la communication systématique, généralisée et massifiée est le temps de la sélection et de la fabrication du réel par extraction de la masse anomique des faits supposés signifiants. Aussi inévitable, dans cette occurrence journalistique, que soit cette opération, elle ne peut que distordre le sens des choses. D’autant que, mise au service de ceux qui en ont les moyens, elle aboutit à ce que certains appellent l’industrie de l’hébétude.

Le pamphlet, ce faux jumeau de la satire, dans toutes ses déclinaisons idéologiques est, nous semble-t-il, l’archétype d’une société en voie d’anomie. Expression de toutes les passions, les révoltes, les rancoeurs, les revendications qu’il exhale, il témoigne de la violence d’une société où tous les antagonismes se réveillent et se libèrent. Il témoigne également d’une époque où la bien-pensance érigée en lois au nom d’une morale toute puissante n’a pas encore triomphé. Il est le terrain d’une liberté authentique : celle d’être « contre ».

Notre ambition qui nous vaudra humilité de par la modestie de nos moyens de toutes sortes, est de mettre à disposition des œuvres et textes peu connus ou peu disponibles. Si certains seront directement réédités, d’autres, les plus nombreux, seront accessibles sur ce site, à la lecture ou à l’impression livresque pour ceux qui le désirent.

On l’aura compris, notre démarche s’inspire de l’admiration que nous portons à George Orwell avec lequel nous partageons cette affirmation :
« Parler de liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu’ils ne veulent pas entendre ».

La presse satirique et pamphlétaire de la fin du XIXème siècle est particulièrement prolifique. Pamphlets et satires, les faux jumeaux, dans toutes leurs déclinaisons idéologiques et sous toutes les formes possibles sont l’expression archétypale (ou xxxxxx) d’une société en vue d’anomisation. Expressions de toutes les passions, les révoltes, les rancoeurs et les revendications qu’ils exhalent, ils témoignent de la violence d’un monde où tous les antagonistes se réveillent et se conjuguent.


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